lundi 30 mars 2009

Two Tongues - Two Tongues


Saves The Day et Say Anything sont deux des groupes les plus respectés de la scène alternative rock, les premiers étant presque des vétérans du genre tandis que les seconds constituent la relève avec en tête de cortège leur frontman torturé et charismatique, Max Bemis. Normal a priori que celui-ci adule son prédécesseur Chris Conley, talentueux songwriter de Saves The Day. Plus étonnante est l’amitié entre ces deux icônes des temps modernes. C’est l’adoration de Bemis pour Conley qui en est à l’origine. Leur première collaboration date de 2006 à l’occasion d’un album de reprises hommage à Bob Dylan sorti par le label Doghouse, ‘Paupers, peasants, princes and kings’. A suivi une tournée commune entre leurs deux groupes, permettant à Bemis de passer du statut de fan absolu à celui d’ami proche de Conley. Quand le premier avança l’idée d’une collaboration plus poussée, la réponse du second ne tarda pas, affirmant «qu’il ne le ferait avec personne d’autre». Le résultat a été attendu plus qu’impatiemment par les aficionados de la scène et malheureusement il n’est pas tel qu’on l’avait rêvé.

Ce résultat, c’est Two Tongues: Max Bemis et Chris Conley au chant, à la guitare, au clavier et aux paroles, Dave Soloway (ex-Saves The Day depuis quelques semaines) à la basse et Coby Linder (Say Anything) à la batterie. Il est normal de s’attendre au meilleur avec un tel line-up, surtout au niveau des lyrics et du chant, la voix haut-perchée de Chris ayant remarquablement fait ses preuves une fois associée à celle, rauque et vibrante, de Max sur le titre ‘Sorry dudes, my bad’ de Say Anything il ya deux ans. Ce mariage vocal contrasté et savoureux porte ses plus beaux fruits sur le début du disque. Les premières secondes de ‘Crawl’ et son puissant refrain digne de ceux de ‘In defense of the genre’ ne laissent présager que le meilleur. ‘If I could make you do things’, plus rock, tend davantage vers Saves The Day et le va-et-vient entre le chant presque féminin de Chris et celui, sauvage, de Max offre une bonne rythmique à l’ensemble. ‘Dead lizard’ est également très réussie, ses riffs de guitare à la ‘Sound the alarm’ rappelant un ‘The artist in the ambulance’ (Thrice) pop.
Cet excellent enchaînement de titres poppy et upbeat est rompu par un interlude chanté par Sherri DuPree d’Eisley (future épouse de Max Bemis et qui a aussi réalisé la pochette de l’album) pour poser une ambiance beaucoup plus sombre. Ce n’est pas gênant tout de suite, ‘Tremors’ étant dans la veine des ballades de ‘In defense of the genre’. Certains trouveront la chanson insipide et son chant trop pleurnichard, mais elle reste hyper efficace. Cependant, le niveau des titres suivants est bien en dessous de celui du début du disque et ils sont malheureusement loin d’être mémorables. Les hauts espoirs apportés par la première partie de l'album font de la seconde une réelle déception. Plusieurs d’entre eux sont franchement ennuyeux et manquent sérieusement d’énergie. L’enjoué ‘Come on’ a certes du rythme mais se répète terriblement, le chant du duo sur le maladroit ‘Alice’ manque d'enthousiasme et ‘Try not to save me’ sonne comme une b-side très moyenne de Saves The Day.
‘Back against the wall’ incarne toute la frustration ressentie à l’écoute de ce disque. Il aurait pu et dû être un des meilleurs de l’année, tellement le potentiel créatif de ses deux phénoménaux songwriters est énorme. Et pourtant, alors qu’on attend de Bemis et Conley qu'ils montrent leur supériorité sur le reste de la scène et qu'ils s’imposent définitivement en rois de l’alternative rock d’aujourd’hui, ils préfèrent nous servir un titre étrangement funk avec des sons de synthé tout vilains et un riff guitare/basse principal qui a mal vieilli. C'est mou à mourir et le refrain est aussi vide qu'un circle pit à un concert des Jonas Brothers. On a envie de les secouer et de leur demander d’être sérieux deux minutes: vous pouvez faire tellement mieux, les mecs! L’ensemble du disque est très rock uptempo, avec des passages rappelant tantôt The Replacements et Minutemen, tantôt Hüsker Dü et Fugazi. ‘Don’t you want to come home’ sonne très rock des 90’s, à l’image de la majorité des riffs de l’album s’inscrivant davantage dans l’alt-rock d’il y a dix ans que dans celui d’aujourd’hui, plus proches de The Hold Steady que de Taking Back Sunday. La voix de Conley étant déjà à la limite de l'inécoutable pour ceux n'appréciant pas son timbre aigu, les effets sur sa voix sur les couplets les rendent difficilement supportables. La toute fin de l’album est encore plus décevante, le dernier titre étant une faible et inutile reprise du groupe Ween où Bemis semble totalement hors contexte, une bien mauvaise façon de clôturer le disque. L’exception dans cette décadence est la très réussie ‘Wowee zowee’ avec ses accords catchy, sa basse qui gronde et son excellent refrain appelant au sing-along, délicieux va-et-vient entre les aboiements graves de Bemis et les plaintes aiguës de Conley.

On termine donc l'écoute de ce premier album éponyme (le quatuor a affirmé que Two Tongues durerait plus d'un disque) avec une légère amertume et une certaine déception. Certains éléments que l'on attendait à l'annonce d'une telle collaboration sont bien là: le tandem vocal Bemis/Conley fonctionne parfaitement, c'est un plaisir d'écouter le contraste tranchant entre les deux chanteurs. Qu'ils incarnent le même personnage ('Try not to save me') ou, plus généralement, qu'ils s'adressent l'un à l'autre en tant qu'amants ('Zowee wowee') ou amis ('Silly game'), la voix suave de Chris et celle, puissante, de Max s'accordent à merveille. On est par contre parfois surpris d'entendre ce dernier et sa voix profonde que l'on connaît chantant des hymnes narcissiques et tourmentés nous réciter des lyrics beaucoup plus impersonnels, voire bateaux. C'est un des aspects les plus décevants du disque: alors que Say Anything et Saves The Day excellent lyricallement, Two Tongues se contente de paroles d'une banalité surprenante. On reconnaît pourtant la patte des deux groupes au niveau musical, Conley et Soloway apportant le côté le plus sombre de leur groupe, Bemis et Linder le plus rock brut du leur. Les compères l'avaient annoncé, il ne fallait pas s'attendre à un mélange de '...Is a real boy' et 'Through being cool' mais plutôt à «'In defense of the genre' rencontre 'Sound the alarm'». Mais cette rencontre faillit sur la seconde partie du disque qui manque cruellement d'énergie et l'album paraît avoir été réalisé trop vite, sa sortie initiale ayant pourtant été fixée à l'été dernier. La moitié des titres auraient été suffisants pour faire un très bon EP qui aurait été bien mieux reçu par les critiques.
'Two Tongues' n'est pas pour autant mauvais, loin de là, c'est un bon disque en lui-même, un début solide pour n'importe quel groupe inconnu, mais une légère douche froide pour tous ceux qui espéraient un chef-d'œuvre à la hauteur de la réputation de ses créateurs. Les «all-star bands» finissent toujours par rester dans l'ombre des groupes initiaux de leurs fondateurs et Two Tongues ne fera pas exception. Cet album ne parvient pas à hisser le quatuor à un niveau équivalent à celui de Saves The Day et Say Anything, ne faisant figure que de simple side-project à côté de ceux-ci. Il ne constituera ainsi ni plus ni moins qu'un entracte sympathique pour faire patienter les fans avant les nouveaux albums des deux poids lourds du genre.

Recommandé si vous aimez:
Say Anything, Saves The Day, The Get Up Kids

Essayez aussi:
The Stereo, Person L, Forgive Durden

www.myspace.com/twotonguesrock
(Vagrant Records, 2009)

mardi 17 mars 2009

New Found Glory - Not without a fight


L'histoire de New Found Glory est des plus intéressantes. Éternels outsiders du pop-punk des années 2000 derrière Blink-182 et Green Day, le groupe a tout de même su consolider sa troisième place avec des albums devenus des classiques du genre, 'New Found Glory' (2000) et 'Sticks and stones' (2002). Alors que leur popularité n'a cessé de croître, les albums suivants ont vu leur crédibilité faire le chemin inverse. Quand Green Day s'éloigne de ses pairs pour côtoyer les U2 et autres Coldplay et que Blink s'éteint, New Found Glory a l'occasion rêvée de monter sur la première marche du podium mais s'y prend les pieds avec 'Coming home', appuyant davantage sur le «pop» de «pop-punk» que ses prédécesseurs, jusqu'à donner un air niais à certaines compositions du disque. Le groupe se rend vite compte que leur nouvelle maturité fait fuir une grande partie de leur public et est difficilement exploitable en live. Alors que beaucoup le voient déjà mort et enterré, le phénix renaît de ses cendres deux ans plus tard et, à la surprise de tous, par le biais de la scène hardcore. Un buzz énorme accompagne l'annonce de la sortie d'un nouvel EP (et d'un album de leur side-project hardcore, International Superheroes Of Hardcore) sur le label Bridge Nine, maison de Have Heart et consorts, plus mosh que pogo dans l'âme. Réussi sans être exceptionnel, il redore le blason du quintet floridien qui reprend des couleurs, du punch et se met à tourner avec des groupes plus heavy. On a ainsi le sentiment que New Found Glory avait, peut-être pour la première fois de leur existence, quelque chose à prouver avec ce sixième album studio.

'Right where we left off', la chanson d'ouverture, est celle «qui en dit le plus sur le groupe aujourd'hui», selon le guitariste Chad Gilbert. Les premiers mots sont assez évocateurs, reprenant le titre de l'album: «You can't get rid of me that easy, no / Not without a fight». New Found Glory sont bien de retour, prêts à en découdre pour reprendre leur place. Le riff est lancinant, le punch et les changements de rythme rappellent 'Catalyst'. Le refrain manque cependant d'énergie et c'est le plus mid-tempo 'Don't let her pull you down' qui lance vraiment l'album. Les couplets sont très doux mais le refrain est en tout point poppy hardcore, le chant de Jordan Pundik y est impeccablement réalisé, toujours aussi nasal et reconnaissable, tandis que Chad, Steve et Ian trouvent leur mot à dire dans les faciles mais vifs back vocals sur fond de guitares saccadées.
Le premier coup de cœur et certainement le meilleur titre de l'album est le single 'Listen to your friends', qui n'est pas sans nous rappeler le plus gros hit du groupe, l'indémodable 'My friends over you'. 'Listen to your friends' a tout pour plaire: il est simple, catchy, le refrain est facile à retenir et à scander et les paroles forment une histoire, chose peu banale chez New Found Glory. C'est juste super efficace et le hook juste avant le refrain est tout bonnement excellent. D'autres titres sont parfaits pour hocher la tête en faisant du air guitar, tels 'Truck stop blues' (que Max Bemis de Say Anything qualifierait de «obligatory song about being on the road and missing someone») ou '47' qui possède une qualité instrumentale indéniable et où Cyrus Bolooki déploie toute son énergie derrière sa batterie, donnant du tempo à l'ensemble de la chanson. «I called you 46 times / And you answered on the 47th». Du vrai New Found Glory de l'époque 'Sticks and stones'. 'Tangled up' se démarque quant à elle par la double voix sur son refrain qui donne un nouveau souffle au chant et rappelle les meilleurs moments de 'Coming home'. L'inévitable participation vocale de l'irrésistible Hayley Williams (chanteuse de Paramore et copine de Chad) est difficilement remarquable sans en être averti.
Si le thème du combat est omniprésent autour de l'album (titre, pochette, photos promos, clip dans une cage d'Ultimate Fighting), les sujets des lyrics restent éternels et très NFGiens: filles, amitié et cœurs brisés. Cependant, alors que 'Coming home' voyaient les cinq musiciens grandir, 'Not without a fight' nous les montre grandis. 'Heartless at best' présente une plus grande maturité dans ses paroles et se distingue par sa mélodie mélancolique et la présence d'une guitare acoustique. Dans le même sens, 'This isn't you' n'est ni un hymne pour les foules, ni une ballade intimiste, juste une chanson simple et brillamment exécutée. Le doux break relance le titre qui se termine sur une superposition de chants.

Malheureusement, l'album a quelques petits coups de mou. Bien que les racines hardcore des Floridiens se fassent sentir davantage sur ce disque, elles restent dissimulées dans de courts breakdowns ou de simples gang vocals. Un peu comme sur l'EP 'Tip of the iceberg', il manque un peu de consistance à ces titres plus rentre-dedans. 'I'll never love again' aurait eu besoin de plus de vitesse avec son tempo hardcore (l'intro ramènera les plus nostalgiques au 'Jamestown' de The Movielife) et les cris de Chad. 'Such a mess' a une rythmique plus lourde, de gros riffs à la Four Year Strong et des roulements de batterie bien heavy calibrés pour le pit. La recette fonctionne sans pour autant faire des étincelles, là encore, quelque chose manque, surtout sur la fin et son breakdown un peu vide. 'Reasons', située quelque part entre la ballade acoustique et le titre pop-punk typique, aurait là aussi eu besoin de plus d'énergie et étonne par son solo de guitare en conclusion. Enfin, le dernier titre de l'album, 'Don't let this be the end', est plus faible que les chansons le précédant et n'attire vraiment l'attention qu'à sa toute fin, le refrain et ses back vocals en demi-teinte laissant la place à un joli chant à l'unisson du groupe qu'on aimerait voir durer plus longtemps.
(A noter que la b-side japonaise 'I'm the fool' mérite d'être téléchargée.)

'Not without a fight' possède l'énergie de 'Sticks and stones' et le songwriting solide de 'Coming home' mais le mélange est parfois délicat car la maturité n'est pas vraiment ce qui a fait le succès de leurs premiers albums, vers lesquels New Found Glory essayent de tendre avec celui-ci. Cet opus est plus uptempo, les rythmes imposés par les guitares de Chad Gilbert et Steve Klein plus saccadés et les chansons plus courtes et faites pour être reprises en chœur. Mais les titres simples et fun allant droit au but comme 'Listen to your friends' ne sont pas assez nombreux. Le disque manque parfois de consistance, notamment sur la fin, et il ne ramènera pas le quintet à sa popularité des années 'My friends over you'.
Il ne fait aucun doute qu'il fera cependant chanter les foules diversifiées que le groupe sait rassembler, des vieux punks old-school aux scene boys and girls de base en passant par les hardcore kids prêts à en découdre dans le pit. New Found Glory ne sont certes pas des virtuoses mais ils sont capables de faire crier un stade à l'unisson sur leurs refrains catchy et facilement mémorisables. Et au final c'est bien ce qu'ils cherchaient avec cet album du «renouveau» (Chad l'a qualifié de «premier disque du second chapitre de New Found Glory en tant que groupe», même si nous sommes nombreux à plutôt penser à 'Catalyst'), pouvoir prendre leur pied sur scène en faisant bouger leur public, chose trop souvent impossible avec les chansons de 'Coming home'. Cette mission-là est réussie, cet album est calibré pour le live de bout en bout. C'est leur ami Mark Hoppus de Blink-182 qui, à la production, a su orchestrer le tout et notamment, étant bassiste lui-même, travailler les tons de basse.
New Found Glory ne nous livrent pas ici un disque innovant ou phénoménal, mais un effort plein de vie, d'envie et de passion pour ce qu'ils font. Produisant des albums de qualité, restant proches de leur public et délivrant un des meilleures spectacles live tous styles confondus, le groupe mérite sa popularité au-delà de son genre. Dans une période où les nouveaux groupes powerpop fluos similaires en tout point affluent par centaines sur MySpace, mieux vaut se tourner vers les valeurs sûres. New Found Glory en ont toujours fait partie et ont cette capacité à rester les mêmes au-delà des années sans pour autant se démoder. Ils parviennent à se renouveler sans perdre l'essence des jeunes fous qu'ils étaient il y a dix ans. Comme l'annoncent les pubs pour l'album, «les poids-lourds incontestés du pop-punk sont de retour et prêts à récupérer leur couronne».

Recommandé si vous aimez:
The Movielife, Set Your Goals, Four Year Strong

Essayez aussi:
Broadway Calls, Bangarang!, Living With Lions

www.myspace.com/newfoundglory
(Epitaph Records, 2009)

dimanche 8 mars 2009

Punk goes pop volume two


Et dire que Fearless Records fut il y a dix ans le label d'At The Drive-In. Difficile à croire quand on voit les productions du label aujourd'hui. Avec comme signatures des groupes à tendance post-hardcore aussi banals qu'Alesana et les tout récents Motionless In White ou pop-punk ridiculement niais comme Every Avenue et The Maine, le label californien surfe plus sur les tendances du moment qu'ils ne parient sur l'originalité et la prise de risque. Preuve est encore faite avec cette compilation.
La série des 'Punk goes...' a pourtant eu d'assez bons crus, comme le 'Punk goes acoustic' par exemple qui rassemblait sur son tracklisting des noms aussi beaux et variés que ceux de Thursday, Coalesce, Strike Anywhere ou Open Hand. Ont suivi 'Punk goes pop', 'Punk goes 80's', 'Punk goes 90's', 'Punk goes acoustic 2', 'Punk goes crunk' et ce mois-ci sort 'Punk goes pop volume two'. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que la simple lecture du tracklisting en repoussera plus d'un. Prenez quatorze groupes en pleine ascension sur la scène pop-punk/alternative rock/post-hardcore actuelle (en gros, ceux dont les pages MySpace sont les plus visitées et accessoirement les plus travaillées) et demandez-leur de reprendre quatorze chansons ayant fait les belles heures des radios les plus populaires ces dix dernières années. Une fois de plus, il ne vaut mieux pas se fier à l'intitulé de la compilation (si Breathe Carolina font du punk, Refused étaient le plus grand groupe de R&B du monde).

L'impression qui ressort à l'écoute de cet album est qu'il est ridiculement facile de faire une reprise de nos jours. Il y a ceux qui se contentent de refaire exactement la même chanson avec des guitares et une batterie comme Mayday Parade avec l'insupportable 'When I grow up' des Pussycat Dolls, ceux qui ajoutent au chant clair quelques parties criées faciles et sans intérêt (Silverstein avec 'Apologize' de One Republic, A Static Lullaby avec 'Toxic' de Britney Spears) ou encore ceux qui trouvent judicieux de grogner sur du Justin Timberlake (Alesana) ou, encore elle, du Britney Spears (August Burns Red). L'écoute de ces titres est déconcertante tellement on a l'impression qu'on pourrait faire de même en peu d'efforts.
Mais il y a pire encore. Il y a ceux dont l'écoute du titre jusqu'à la fin demandent une volonté d'acier. Comme si cette compilation manquait d'Auto-Tune, Breathe Carolina nous font le bonheur de nous étouffer de vocodeur et de beats dance affreusement lourds. Si vous parvenez à apprécier cette chanson, vous devez forcément être un fan absolu non seulement du groupe, mais aussi de la tête à claques Miley Cyrus dont ils ont eu le bon goût de reprendre un tube. Dans la même veine, 'I kissed a girl' version électro/screamo par Attack Attack! est totalement inécoutable et nous pousse presque à présenter des excuses à Katy Perry.

Il y a certes ceux qui ont essayé de s'approprier la chanson en y apportant des modifications. Le batteur d'Escape The Fate, lorsqu'il a justifié leur choix de reprise, a affirmé qu'ils «ne voulaient pas faire quelque chose de cliché, déjà entendu, comme rendre la chanson plus rapide, ajouter un breakdown ou crier le refrain». Difficile de ne pas penser aux participations de ses collègues en entendant ça. Quoiqu'il en soit, les rock stars qu'ils sont ont choisi le très sexy 'Smooth' de Carlos Santana et Rob Thomas. Certes, le travail de reprise est un peu plus appliqué, mais ça ne fonctionne pas vraiment. De même pour The Cab qui ont ajouté du clavier, du vocodeur et un solo de guitare au 'Disturbia' de Rihanna sans réussir à convaincre (les groupes A Cursive Memory et surtout The Sequence ont également tenté de s'approprier cette même chanson et y sont mieux parvenus, leurs versions sont en écoute sur leurs MySpace respectifs) et pour There For Tomorrow et le côté dance apporté à leur reprise du chanteur R&B Omarion.
Les trois titres qui sortent du lot sont ceux de Chiodos, A Day To Remember et Four Year Strong. Les premiers se démarquent par l'originalité du choix de leur reprise ('Flagpole Sitta', tube d'Harvey Danger de 1998) et les deux autres font sonner leur versions respectives de 'Over my head' (The Fray) et 'Love song' (Sara Bareilles) un peu de la même façon, à la différence qu'on aimerait davantage de chant clair chez les premiers et moins chez les seconds. Les trois groupes s'approprient bien leur chanson, Chiodos étonnent par la fraîcheur musicale de leur titre malgré les ennuyants hurlements de Craig Owens sur la fin, A Day To Remember donnent une bonne énergie au refrain pourtant très mielleux de The Fray et les habituels gang vocals et double voix de Four Year Strong font sonner 'Love song' comme une b-side de 'Rise or die tryin' '. Bayside s'en sortent aussi plutôt bien avec leur version de 'Beautiful girls' et si elle ne nous fait pas sauter au plafond, c'est sans doute à cause de l'auteur de l'originale, Sean Kingston.

Face aux critiques acerbes qui risquent très fortement de toucher les auteurs de cette compilation, les réponses seront sans doute centralisées sur le fait que cet album n'a qu'une vocation de divertissement. Rien de sérieux d'accord, mais si les groupes revendiqueront avoir fait leurs reprises «pour le fun», on pourra leur répondre qu'au final on a bien du mal à le trouver, le fun. Bien au contraire, c'est trop souvent un calvaire pour les tympans. La majorité des choix de chansons ne sont pas judicieux, comment faire aimer une reprise d'une chanson qui est à la base exécrable? Ne subit-on pas assez le matraquage médiatique autour des stars planétaires que sont Britney Spears ou Miley Cyrus pour devoir entendre des groupes de notre scène reprendre leurs chansons? Je les remercie d'ailleurs d'avoir inséré ces noms sur mon blog, j'aurai probablement bientôt des visites des membres du club Disney Channel. Ces chansons ne sont même pas des «guilty pleasures», ce sont des titres qu'on entend à longueur de journée et dont on aimerait ne plus avoir à subir l'écoute. Qu'ont pensé Silverstein en reprenant 'Apologize', chanson entendue un millier de fois par tout être humain possédant une télévision ou une radio?
Il faut pourtant s'attendre à ce que les reprises de cet album puant le fluo et l'Auto-Tune se retrouvent en fond sonore de centaines de pages MySpace dès leur sortie. Il n'est plus honteux d'aimer la pop ultra sucrée servie par MTV puisque les groupes en vogue la reprennent à leur sauce. C'est devenu une véritable mode chez ceux désirant se faire connaître de poster en ligne leur version d'un tube du moment. Buzz assuré. Ce n'est par contre pas dit que quelqu'un se souvienne d'une seule de ces reprises dans trois ans.
Quand cet engouement pour écouter du R&B version heavy ou de la dance version pop-punk sera terminé, Fearless devra bien trouver autre chose et se tournera peut-être vers des projets créatifs et dignes d'intérêt. Me First And The Gimme Gimmes ont parfois beau choisir de reprendre des chansons encore plus mauvaises, au moins c'est drôle.

Recommandé si vous aimez:
Forever The Sickest Kids, Cobra Starship, Brokencyde

Essayez aussi:
I Set My Friends On Fire, Watchout! There's Ghosts, Cash Cash

www.myspace.com/punkgoespop2
(Fearless Records, 2009)